Le journal d'une femme de chambre, Bunuel |
Je suis en retard. Les journées défilent comme les secondes sur une montre. Mais l'heure est au bilan. La césure se fait avec brio. J'ai finalisé mes inscriptions à la fac. J'ai reçu mes certificats de scolarité. Il ne reste "que" l'appartement à trouver, l'emploi du temps à faire à la rentrée. Définitivement, qu'est-ce que la prépa m'a apporté ? Et qu'est-ce que c'est ? Il est facile de trouver des informations sur la prépa. On trouve de tout et de rien. Ici l'on dit que c'est accessible pour ceux qui sont issus de familles aisées, là on dit que l'on prépare les étudiants à être des "bêtes de concours" et puis ici l'on dévoile la face psychologique de la prépa.
La prépa c'est tout d'abord une grande aventure. C'est partir vers l'inconnu, sans carte, sans boussole avec une seule information : l'horizon. Quoique l'on puisse dire, on ne m'enlèvera pas l'idée que la prépa est formatrice. Certes, je ne démentirai pas les moments difficiles voire très difficiles où le creux se fait sentir, mais c'est quand même une aventure palpitante. En début d'hypokhâgne - les deux premières semaines - j'avais cru entrevoir une continuité avec le lycée. Les profs nous donnaient des devoirs à rendre pour un mois après alors pourquoi s'inquiéter, sauf que le temps raréfie au fur et à mesure que l'on avance dans cette aventure. Et l'année de khâgne a exacerbé cette idée d'aventure. Pour moi, la prépa c'est ça. Une aventure, une traversée du désert, de la forêt amazonienne ou quoique ce soit encore : on en sort vivant mais sans quelques séquelles.
Ces deux années ont donc été extrêmement formatrices et enrichissantes, ce qui est positif comme négatif. Il y a les bons et mauvais côtés de la prépa comme de toute formation. J'ai appris ce qu'est le travail. Autant le dire tout de suite, au lycée j'étais un élève moyen-bon - 13/14/15 - et mes capacités ne me poussaient pas à bosser à fond, hormis pour la Tle où j'ai bossé plus que les années précédentes. En prépa l'on travaille, oui. Pas autant que les profs, on est d'accord. Mais on bosse comme des acharnés. Il ne s'agit pas de faire un petit truc par-ci, une petite chose par-là. Le travail ne s'arrête pas comme au lycée au moment où l'on a une idée et qu'on brode autour pour la développer, lui donner de l'ampleur - j'exagère un peu, hein. Quand le sujet de dissertation était donné, dès le soir même j'y repensais et des idées venaient. Cela se construisait sur le long terme. Comme j'expliquais à mon cousin qui souhaite peut-être en faire une, on ne laisse pas la prépa sur le seuil de la maison comme on pourrait laisser le lycée sur son pallier. Plus encore, la prépa m'a appris le travail avec modération. Certains ont besoin de bosser tout le temps pour réussir, d'autres - encore en prépa cela se trouve - ne bossent pas nécessairement beaucoup - mon ancien coloc en est la preuve - pour s'en sortir correctement. En hypokhâgne, je faisais la plupart des choses au dernier moment excepté que, dans la précipitation, on commet des erreurs de raisonnement, etc. Je le disais, les devoirs en prépa sont une maturation. Au début de la khâgne, au contraire, je bossais trop. Tout le temps dans mes cours, dans mes bouquins, je ne m'accordais aucun répit. Le cerveau a cependant besoin de repos de temps à autre. Lui aussi, comme le corps, nécessite des balades, un film de temps en temps, un bouquin, un magazine idiot - ou pas. Ce n'est qu'à partir de janvier de l'année de khâgne que j'ai compris. Essoufflé par mon débit de travail, j'ai lâché prise pendant les vacances de Noël et j'me suis posé des questions. J'ai énormément bossé quand même - tout le monde bosse énormément, même ceux qui ne bougent pas beaucoup - mais avec modération. Je pouvais prendre un dimanche après-midi pour rédiger une dissertation et après j'allais me balader ou je regardais un film tranquillement. Les pauses, c'est cela qu'il faut.
Par rapport au temps, ce que j'ai également compris, c'est que la prépa est difficilement tenable avec un couple. Je ne sais pas comment font ceux qui sont en couple et qui continuent à être en prépa. Certes je devais passer une heure et demie dans un train pour aller voir mon copain, mais quand même. C'est la prépa qui a tué mon couple. En étant tout le temps dans les bouquins, j'en ai oublié l'essentiel, mon copain. On ne parvenaient plus à se comprendre parce que je n'avais plus le temps nécessaire, minimum à lui consacrer. Je ne dis pas que c'est la faute de la prépa, hein. C'est entièrement de mon ressort. La prépa crée un cadre idéal pour s'oublier rapidement. Peut-être là est un autre défaut de la prépa. On a tôt vite fait de s'oublier aux devoirs, aux cours, aux échéances et l'on oublie de vivre sa vie étudiante. Il n'est pas possible de la vivre à fond mais il faut en profiter tant qu'il est encore temps. Ces années de prépa, on a 18, 19, 20, 21 ans. Ces années là ne reviendront pas. Oui, on est formé dans le but de passer un concours alors, oui, on bosse énormément. Mais on en devient pas pour autant des bêtes de concours. Il faut bien comprendre que j'écris en fonction de mon vécu dans la prépa dans laquelle j'ai étudiée même si je fais une forme de globalisation. L'autre danger de l'oubli dans le travail, c'est l'incompréhension. Comme je le disais, c'est parce que j'étais tout le temps fourré dans mes cours et mes bouquins que j'ai mis de côté mon couple. L'incompréhension était telle entre nous que l'on n'a pas pu continuer à construire quelque chose. Avec les amis aussi c'est comme cela. Je crois que si l'on forme de grandes amitiés en prépa, on en perd aussi beaucoup. Lorsque je revois des connaissances, des amis ou plus qui n'ont pas connu la prépa, on ne parvient pas à se comprendre. Certains pourront appeler cela du pédantisme. Je ne le crois pas. On évolue dans des sphères de connaissances, des modes de penser et un rapport au travail différents. Alors oui, les grandes amitiés se tissent. Je compte environ 4/5 personnes que j'ai rencontrées en prépa qui seront, je pense, pendant longtemps à mes côtés. Au contraire, j'ai perdu beaucoup dans la bataille. Non pas par engueulade sur un point de discussion mais bien parce que l'on ne trouve pas quoi se dire. C'est dans l'ordre "naturel", si je puis dire, de la vie aussi. On passe du temps avec des personnes, on a les mêmes centres d'intérêt puis un passage formateur d'une vie nous fait changer d'idées. Quand bien même.
Je ne regrette rien. La prépa est passée dans ma vie et, même si je n'y croyais pas, j'ai fait deux ans. Il y a des moments plus difficiles que d'autres. Il y a des moments où l'on se serre les coudes - où l'on fait des soirées soutien psychologique à deux ou trois autour de crêpes. Il y a des moments de pure extase - les rares soirées que l'on s'autorise où l'on quitte le costume du préparationnaire. Il y a des moments de complicité avec les profs également. J'allais les oublier ces derniers. La prépa ne serait rien s'ils n'étaient pas là. Ils sont adorables, agressifs, passionnés, travailleurs, volontaires, disponibles. Et même le prof le plus mal perçu que j'ai eu était un puits de connaissances. Mon prof d'histoire spé m'a envoyé un mail que je pourrais considérer comme un message d'amour quasiment. Ma prof de géo a fait la bise à une amie et moi avec les larmes aux yeux. Etc.
Il y aurait tant à dire. La prépa... c'est formateur. On mûrit parfois trop vite. Mais on aime passionnément - avec haine ou amour - et l'on en ressort transformé, changé, différent, mais toujours là.
L'info de la semaine est que je suis officiellement inscrit à Lyon 2 et que la recherche d'appartement est en bonne voie.
La prépa c'est tout d'abord une grande aventure. C'est partir vers l'inconnu, sans carte, sans boussole avec une seule information : l'horizon. Quoique l'on puisse dire, on ne m'enlèvera pas l'idée que la prépa est formatrice. Certes, je ne démentirai pas les moments difficiles voire très difficiles où le creux se fait sentir, mais c'est quand même une aventure palpitante. En début d'hypokhâgne - les deux premières semaines - j'avais cru entrevoir une continuité avec le lycée. Les profs nous donnaient des devoirs à rendre pour un mois après alors pourquoi s'inquiéter, sauf que le temps raréfie au fur et à mesure que l'on avance dans cette aventure. Et l'année de khâgne a exacerbé cette idée d'aventure. Pour moi, la prépa c'est ça. Une aventure, une traversée du désert, de la forêt amazonienne ou quoique ce soit encore : on en sort vivant mais sans quelques séquelles.
Ces deux années ont donc été extrêmement formatrices et enrichissantes, ce qui est positif comme négatif. Il y a les bons et mauvais côtés de la prépa comme de toute formation. J'ai appris ce qu'est le travail. Autant le dire tout de suite, au lycée j'étais un élève moyen-bon - 13/14/15 - et mes capacités ne me poussaient pas à bosser à fond, hormis pour la Tle où j'ai bossé plus que les années précédentes. En prépa l'on travaille, oui. Pas autant que les profs, on est d'accord. Mais on bosse comme des acharnés. Il ne s'agit pas de faire un petit truc par-ci, une petite chose par-là. Le travail ne s'arrête pas comme au lycée au moment où l'on a une idée et qu'on brode autour pour la développer, lui donner de l'ampleur - j'exagère un peu, hein. Quand le sujet de dissertation était donné, dès le soir même j'y repensais et des idées venaient. Cela se construisait sur le long terme. Comme j'expliquais à mon cousin qui souhaite peut-être en faire une, on ne laisse pas la prépa sur le seuil de la maison comme on pourrait laisser le lycée sur son pallier. Plus encore, la prépa m'a appris le travail avec modération. Certains ont besoin de bosser tout le temps pour réussir, d'autres - encore en prépa cela se trouve - ne bossent pas nécessairement beaucoup - mon ancien coloc en est la preuve - pour s'en sortir correctement. En hypokhâgne, je faisais la plupart des choses au dernier moment excepté que, dans la précipitation, on commet des erreurs de raisonnement, etc. Je le disais, les devoirs en prépa sont une maturation. Au début de la khâgne, au contraire, je bossais trop. Tout le temps dans mes cours, dans mes bouquins, je ne m'accordais aucun répit. Le cerveau a cependant besoin de repos de temps à autre. Lui aussi, comme le corps, nécessite des balades, un film de temps en temps, un bouquin, un magazine idiot - ou pas. Ce n'est qu'à partir de janvier de l'année de khâgne que j'ai compris. Essoufflé par mon débit de travail, j'ai lâché prise pendant les vacances de Noël et j'me suis posé des questions. J'ai énormément bossé quand même - tout le monde bosse énormément, même ceux qui ne bougent pas beaucoup - mais avec modération. Je pouvais prendre un dimanche après-midi pour rédiger une dissertation et après j'allais me balader ou je regardais un film tranquillement. Les pauses, c'est cela qu'il faut.
Par rapport au temps, ce que j'ai également compris, c'est que la prépa est difficilement tenable avec un couple. Je ne sais pas comment font ceux qui sont en couple et qui continuent à être en prépa. Certes je devais passer une heure et demie dans un train pour aller voir mon copain, mais quand même. C'est la prépa qui a tué mon couple. En étant tout le temps dans les bouquins, j'en ai oublié l'essentiel, mon copain. On ne parvenaient plus à se comprendre parce que je n'avais plus le temps nécessaire, minimum à lui consacrer. Je ne dis pas que c'est la faute de la prépa, hein. C'est entièrement de mon ressort. La prépa crée un cadre idéal pour s'oublier rapidement. Peut-être là est un autre défaut de la prépa. On a tôt vite fait de s'oublier aux devoirs, aux cours, aux échéances et l'on oublie de vivre sa vie étudiante. Il n'est pas possible de la vivre à fond mais il faut en profiter tant qu'il est encore temps. Ces années de prépa, on a 18, 19, 20, 21 ans. Ces années là ne reviendront pas. Oui, on est formé dans le but de passer un concours alors, oui, on bosse énormément. Mais on en devient pas pour autant des bêtes de concours. Il faut bien comprendre que j'écris en fonction de mon vécu dans la prépa dans laquelle j'ai étudiée même si je fais une forme de globalisation. L'autre danger de l'oubli dans le travail, c'est l'incompréhension. Comme je le disais, c'est parce que j'étais tout le temps fourré dans mes cours et mes bouquins que j'ai mis de côté mon couple. L'incompréhension était telle entre nous que l'on n'a pas pu continuer à construire quelque chose. Avec les amis aussi c'est comme cela. Je crois que si l'on forme de grandes amitiés en prépa, on en perd aussi beaucoup. Lorsque je revois des connaissances, des amis ou plus qui n'ont pas connu la prépa, on ne parvient pas à se comprendre. Certains pourront appeler cela du pédantisme. Je ne le crois pas. On évolue dans des sphères de connaissances, des modes de penser et un rapport au travail différents. Alors oui, les grandes amitiés se tissent. Je compte environ 4/5 personnes que j'ai rencontrées en prépa qui seront, je pense, pendant longtemps à mes côtés. Au contraire, j'ai perdu beaucoup dans la bataille. Non pas par engueulade sur un point de discussion mais bien parce que l'on ne trouve pas quoi se dire. C'est dans l'ordre "naturel", si je puis dire, de la vie aussi. On passe du temps avec des personnes, on a les mêmes centres d'intérêt puis un passage formateur d'une vie nous fait changer d'idées. Quand bien même.
Je ne regrette rien. La prépa est passée dans ma vie et, même si je n'y croyais pas, j'ai fait deux ans. Il y a des moments plus difficiles que d'autres. Il y a des moments où l'on se serre les coudes - où l'on fait des soirées soutien psychologique à deux ou trois autour de crêpes. Il y a des moments de pure extase - les rares soirées que l'on s'autorise où l'on quitte le costume du préparationnaire. Il y a des moments de complicité avec les profs également. J'allais les oublier ces derniers. La prépa ne serait rien s'ils n'étaient pas là. Ils sont adorables, agressifs, passionnés, travailleurs, volontaires, disponibles. Et même le prof le plus mal perçu que j'ai eu était un puits de connaissances. Mon prof d'histoire spé m'a envoyé un mail que je pourrais considérer comme un message d'amour quasiment. Ma prof de géo a fait la bise à une amie et moi avec les larmes aux yeux. Etc.
Il y aurait tant à dire. La prépa... c'est formateur. On mûrit parfois trop vite. Mais on aime passionnément - avec haine ou amour - et l'on en ressort transformé, changé, différent, mais toujours là.
L'info de la semaine est que je suis officiellement inscrit à Lyon 2 et que la recherche d'appartement est en bonne voie.
J'ai vachement bien aimé ce billet, parce que ça colle tellement à la vision que j'ai de la prépa. J'ai l'impression que même les moments les plus intenables finissent par devenir, en quelque sorte, des bons souvenirs.
RépondreSupprimerPour la question d'être en couple en prépa, je suis assez d'accord aussi. Enfin, j'ai vaguement essayé cette année, mais au final mon copain a plus été un échappatoire que quelqu'un que j'aurais vraiment pris le temps de connaître. S'embourber dans la prépa, ça te ferait presque oublier qu'autour de toi il y a d'autres gens. J'ai hâte de finir ma Khâgne, mais je sais qu'une fois arrivé à la fin, je quitterais la prépa avec un sacré pincement au cœur.
En attendant, félicitations pour tes admissions, et joyeuse nouvelle vie fâkheuse et lyonnaise.
Les moments de creux les plus totaux donnent plus de prix, parfois, à d'autres moments normaux qui en deviennent super.
SupprimerC'est un pincement au coeur de finir la prépa oui. Même s'il faut aussi couper à un moment donné. :3
Merci et bonnes vacances !
Tout est tellement vrai surtout le quatrième paragraphe. Plus que les nuits blanches, les devoirs ou le travail à fournir, quand il m'arrive de me demander pourquoi je me fais subir ça c'est l'angoisse de perdre deux ans de ma vie, de rater la vraie vie pour rester dans cette bulle géante, ce monde à part. Je trouve que c'est cette peur là, cette angoisse de voir les autres vivre quand toi tu attends encore deux ans pour le faire dont on ne parle pas assez (moi compris). Bel article.
RépondreSupprimerMerci ma minette. La prépa c'est une entité à part entière dans une vie. On ne peut pas la laisser de côté en éteignant son portable. Seul le plaquage reste la solution. Mais bon, on n'y arrive pas toujours. (x
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